Sur un paquet de viande de veau "Savoir-faire boucher français", sur une barquette de saucisses-merguez "Viande bovine française" et écrit en toutes petites lettres... Origine UE, Espagne ou même Nouvelle- Zélande/Australie ! Plusieurs éleveurs d'Auvergne-Rhône-Alpes se sont donnés rendez-vous au Carrefour de Thiers (63) pour faire la chasse aux viandes importées. Cette action, co-menée par la FRSEA et les Jeunes Agriculteurs, visait à protester contre le retour en force de l'importation de viande dans les rayons des supermarchés et hypermarchés en France. Selon l'Institut de l'Elevage, les quantités de produits importés en 2022 représentaient l'équivalent de 353.000 tonnes équivalent carcasse, soit une augmentation de 23% par rapport à 2021. Une hausse qui dépasse même les standards d'avant-Covid et qui inquiète les éleveurs. "On a une chute drastique du cheptel, et cette politique d'importation nuit un peu plus à l'agriculture française." estime Jonathan Janichon, agriculteur dans l'Ain et président de la section bovine régionale, qui épingle les distributeurs : "Les grandes et moyennes surfaces mènent des politiques agressives sur les prix."
La vingtaine d'éleveurs présents ont écumé les rayons du Carrefour thiernois afin de remplir un caddie de produits importés. L'occasion de pointer du doigt quelques problèmes à l'étiquetage. En effet, certaines viandes présentent une traçabilité assez floue, comme celles qui font apparaître la mention "Origine UE". Ces viandes peuvent alors provenir de pays tels que l'Allemagne ou les Pays-Bas, qui ont un autre schema d'importation, allant parfois chercher des viandes dans les pays du Mercosur comme le Brésil par exemple. "Est-ce que les pays voisins ont les mêmes niveaux de normes que nous ? Personne ne peut le garantir pour le consommateur. C'est injuste pour nous !" tempête Jonathan Janichon, qui veut,"avec ce type d'actions, réveiller les consciences". D'autres produits en partie importés, comportent un label "produit en France", pratique considérée comme illégale.
Pourtant, la consommation de viande en France n'a pas baissé, comme le rappelle l'Institut de l'élevage. Elle a même augmenté de 2% en 2022 sur un an, malgré un recul des ventes en volume. D'où l'incompréhénsion et le désarroi. Anthony Barrier, éleveur à Lezoux et président des jeunes Agriculteurs de l'intercanton de Thiers, est entre "colère et dépit" sur les différences de législation : "Quand je vois ce qu'on me demande de faire sur ma ferme, et ce que les gens achètent à coté, qui s'en fichent de comment sont produits ces viandes, ça donne juste envie de crier !" Même son de cloche chez Bénédicte Huguet, exploitante à Vollore-Ville et représentante des JA du Puy-de-Dôme : "j'ai pas l'impression de travailler pour rien, mais j'aimerais que nos produits soient mieux valorisés, que les gens comprennent mieux notre travail et qu'on arrête d'apporter des informations fausses sur notre métier"
Pour cette action, le groupe Carrefour est visé pour sa politique d'achat, considéré comme l'un des mauvais élèves de la grande distribution. "Ce ne sont pas des ennemis, mais ce sont des gens qui ne sont pas honnêtes et qui ne jouent pas le jeu d'aider les producteurs français." indique David Chaize, éleveur à Bort l'Etang. "On a un métier passion, mais la passion ça ne suffit pas. On a besoin d'un revenu qui rémunère correctement, de prendre quelques vacances, notamment pour attirer des jeunes vers la profession". D'autres actions du même type pourraient être menées dans les prochaines semaines dans des enseignes différentes. Avec toujours cette envie d'exiger l'origine française et des prix rémunérateurs.