Il est 18h57 lorsque le train Intercités 5983 quitte la gare de Paris Bercy pour rejoindre Nevers, Moulins, Vichy, Riom et son terminus Clermont-Ferrand. Jusque-là, tout semble aller, pas de retard au départ. Mais avec la ligne Paris/Clermont, les passagers ne sont jamais au bout de leurs surprises... et de leur voyage.
Mireille est installée dans l'un des wagons de l'Intercités, au milieu du train. C'est la première fois qu'elle prend cette ligne pour se rendre en Auvergne. Elle qui était en déplacement professionnel gardera un souvenir... mémorable si on peut dire.
Les premiers signes puis l'arrêt
C'est vers 20h30 que les signes de pannes se font sentir dans le train. D'abord ce sont les prises électriques qui commencent à défaillir puis la lumière de la rame vacillent, plus que d'ordinaire.
"Et puis on s'est arrêté. On nous a dit de ne pas ouvrir les portes et que le problème serait vite résolu"
Là, les ennuis commencent. Les contrôles et agents de bord du train font des allers-retours entre les rames pour informer de la situation et rassurer les voyageurs. Le problème est donc technique et vient directement de la locomotive. On annonce au micro que le mécanicien / conducteur du train fait tout son possible.
"Avec les autres passagers, on s'est douté que ça ne serait pas si simple et qu'on allait rester là un moment"
Arrêté au sud de Montargis, à Nogent-sur-Vernisson dans le Loiret, les passagers peuvent voir une route depuis leur fenêtre. Vers 21h, nouvelle annonce au micro. Rapidement, le courant va commencer à manquer dans le train. Le chauffage est coupé, les lumières s'éteindront petit à petit. Les agents de bord annoncent qu'une locomotive d'urgence va arriver pour remplacer la première. Pour cela, le train sera tracté jusqu'à Montargis pour effectuer le changement et les réparations.
Des promesses non tenues et des tensions
Au sein des voyageurs, certains esprits s'échauffent. Le froid commence à gagner les rames et la température ambiante baisse. A l'extérieur il fait -6 degrés cette nuit-là. A 22h30, la sécurité civile est prévenue pour une intervention sur place. Elle n'arrivera que 1h30 plus tard avec l'aide de la Croix Rouge.
"Immédiatement, on nous a distribué des couvertures de survie. Ça aide à se réchauffer un peu.
On nous avait promis des boissons chaudes mais on ne les a jamais eues"
Dans le wagon de Mireille il y a des familles, des bébés, des enfants, des jeunes, des personnes âgées. Globalement, l'ambiance reste calme d'après la voyageuse. Mais les conflits générationnels ont été inévitables.
"Certains ados faisaient beaucoup de bruit. Ils se filmaient et s'amusaient avec leurs téléphones.
Ça n'a pas plu aux anciens qui voulaient du calme"
Un message est passé aux voyageurs, ceux qui le souhaitent peuvent sortir du train et appeler des proches pour venir les chercher. Nevers n'est qu'à une centaine de kilomètres, certains vont pouvoir rentrer chez eux de cette manière. Mais ce que les contrôleurs ne disent pas à tout le monde, c'est qu'ils pourront être hébergés et passés la nuit dans une salle communale de Nogent-sur-Vernisson.
"C'est là que certains ont lâché leurs nerfs contre les contrôleurs.
Ça faisait 3 heures que l'on attendait dans le froid alors qu'on aurait pu être dans un gymnase"
Solidarité entre voyageurs... mais pas de la SNCF
Au final, tout le monde finira par se calmer, résigner par la situation. Après plus de 4 heures d'arrêt, aucune collation n'a été donné en compensation et certains commencent à sentir leur ventre vide. En effet, Mireille pensait manger en arrivant chez elle vers 22h30 et n'a pas prévu de quoi de manger. Des gourdes sont prêtées, d'abord aux bébés et aux enfants qui réclament de l'eau. L'absence d'électricité condamne aussi les robinets d'eau et les toilettes. Impossible de les utiliser.
"Pour s'occuper les grands jouaient avec les petits. On se demandait à quel moment les bébés allaient pleurer.
Finalement, tout le monde est resté très calme"
Les agents de la SNCF, qui font bien sûr de leur mieux, répondent aux questions lors de leurs passages. Mais malgré le froid et l'attente interminable, le temps est long à bord du train 5983.
La fin du voyage au ralenti
Vers 1h du matin, la locomotive est installée. Le chauffage et l'électricité sont rétablis. C'est à ce moment que le train va pouvoir repartir... mais à une allure modérée. De nombreux voyageurs en profitent pour dormir, sous les couvertures de survie tout de même.
A 2h30 du matin, les agents de bord distribuent des paniers-repas à tous les voyageurs encore dans le train. A l'intérieur, le repas est modeste mais salvateur pour certains ventres.
"Une salade de thon, une bouteille d'eau, des gâteaux secs et une compote. Pas de quoi rassasier mais c'est déjà ça"
La fin du voyage se fait sans encombre ni problèmes supplémentaires. Le train arrive en quai de Clermont-Ferrand à 6h30, samedi matin. A chaque arrêt, les agents présentent leurs excuses aux passagers incommodés. Tout en promettant un remboursement exceptionnel du prix du billet à hauteur de 200%.
Malgré ce trajet, Mireille n'en veut pas au personnel de la SNCF qui selon elle a fait de son mieux.
"Je suis généralement malchanceuse pour ce qui est des retards de trains.
Mais là, on est sur quelque chose d'exceptionnel"