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Pourquoi le Puy-de-Dôme est-il un "bastion de gauche" ?

Pourquoi le Puy-de-Dôme est-il un "bastion de gauche" ?
Aux dernières élections législatives, les candidats de gauche ont remporté 4 sièges sur les 5 du Puy-de-Dôme © Xavier GRUMEAU - RVA

On a demandé à un docteur en politique les raisons qui poussent au vote des partis de gauche dans le Puy-de-Dôme.

Sur les cinq circonscriptions du Puy-de-Dôme, quatre ont été remportés par des candidats de gauche. Issus du Nouveau Front Populaire, Marianne Maximi (LFI), Nicolas Bonnet (EELV), Christine Pirès Beaune (PS) et André Chassaigne (Parti Communiste) sont arrivés en tête dans leurs territoires. Mais alors que de nombreux départements français ont passé l'arme à l'extrême droite pour les élections législatives, comment expliquer que le Puy-de-Dôme vote toujours à gauche ?

On a demandé quelques éclaircissements à Pierre-Nicolas BAUDOT, docteur en science politique, chercheur à l'université Paris Panthéon Assas et enseignant à l'Université Clermont Auvergne (UCA).

 

Xavier GRUMEAU - RVA : La victoire du Nouveau Front Populaire aux élections législatives est-elle logique dans le Puy-de-Dôme ?

Pierre-Nicolas BAUDOT : Elle est plutôt logique par rapport aux derniers résultats. Dans l'ensemble, en Auvergne, on a une grande stabilité dans les résultats. Quels que soient les partis, les 10 ou 12 députés sortants sont réélus dont ceux du Front Populaire. Avec une victoire en plus, celle de Nicolas Bonnet. Elle est, en partie, surprenante, car ce n'était pas une circonscription de gauche, c'est historiquement celle de Valéry Giscard d'Estaing. Mais elle avait déjà été acquise par les écologistes entre 2012 et 2017.

On a une poussée du Front Populaire qu'il faut nuancer parce qu'il y a eu une logique de front républicain qui a fonctionné en partie même si certains candidats se sont maintenus. Cela étant, quand on regarde le détail des voix, les candidats du Front Populaire progressent par rapport à 2022, mais ils progressent moins que ceux du Rassemblement National.

Si on regarde sur la 1ʳᵉ circonscription du Puy-de-Dôme, celle de Marianne Maximi, elle a gagné plus de 7.000 voix par rapport à 2022. Mais le Rassemblement National en a gagné 10.000. Et on constate cette tendance partout dans le département : le Front Populaire progresse, mais moins que le Rassemblement National.

 

X.G. - RVA : La percée du Rassemblement National est impressionnante pour le territoire ?

P.N.B : C'est impressionnant, car pour la première fois, le Rassemblement National était au second tour partout en Auvergne. Et quand on regarde le détail des voix, on constate qu'ils ont explosé. Le détail par circonscription montre une très forte progression et toujours ce clivage entre le vote urbain et le vote rural. On constate bien que dans la 3ᵉ circonscription du Puy-de-Dôme, celle de Nicolas Bonnet, les territoires urbains sont favorables au Nouveau Front Populaire et les territoires ruraux restent favorables à l'extrême-droite.

 

X.G. - RVA : Qu'est-ce qui fait que le Puy-de-Dôme est un "bastion de gauche" ?

P.N.B : C'est une tradition de long terme, c'est une terre qui vote traditionnellement à gauche. Les pôles urbains continuent de voter à gauche. Le Rassemblement National reste faible dans le Puy-de-Dôme même s'il continue de progresser. Encore une fois, il y a une logique de front républicain efficace. Si on regarde aussi dans le nord de l'Allier, le candidat, Yannick Monet (Parti Communiste), a été réélu grâce au front républicain. Dans le Puy-de-Dôme, les candidats en ont moins eu besoin, mais cela a joué en leur faveur.

 

X.G. - RVA : Le fait que l'on vote à gauche vient-il du passé gaulois des Auvergnats ?

P.N.B : Je ne sais pas si ça remonte aussi loin. Le vote de gauche, notamment dans les territoires urbains, c'est maintenu parce que la gauche y est ancrée. Le cas de Clermont-Ferrand est exemplaire puisque c'est une ville socialiste depuis sa libération qui n'a connu que quatre maires successifs. C'est un vote ancré, de socialiste ancré.

Concrètement, même s'ils ont été largement affaiblis, il reste des réseaux à gauche, particulièrement d'élus locaux, qui permettent le maintien de ce vote. C'est vrai aussi pour une autre tranche de la gauche. Celle dans laquelle s'inscrit Marianne Maximi, une gauche non-socialiste, avec l'héritage d'Alain Laffont, qui est très puissante dans le Puy-de-Dôme et à Clermont-Ferrand.

Et c'est l'un des dangers du vote RN si l'on regarde sur tout le territoire. Lorsqu'un territoire passe à l'extrême-droite, il est très rare d'en revenir. Il reste acquis à l'extrême-droite. Cet ancrage durable, pendant des décennies, fait que des familles entières ont été socialisées à l'extrême-droite.

La gauche conserve son ancrage dans le Puy-de-Dôme, mais elle est menacée par un vote Rassemblement National qui a vraiment cru dans des proportions importantes.

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X.G. - RVA : Donc le glissement d'un vote Parti Socialiste vers La France Insoumise est logique dans le Puy-de-Dôme ?

P.N.B : C'est un mouvement de balancier. Quand on regarde sur le terrain, le vote PS a été très abimé par le quinquennat de François Hollande. Il a été compliqué pour les socialistes de faire campagne en assumant ses décisions. Le Parti Socialiste a donc entrepris une alliance avec La France Insoumise et les Communistes pour la NUPES en 2022. Cela a permis de ré-ancrer le PS sur sa gauche, revendiquer par Olivier Faure, son premier secrétaire. Donc le PS à retrouver une forme de crédibilité, même si cela a créé du débat dans le parti.

 

X.G. - RVA : Et en s'alliant à nouveau avec LFI, avec le Nouveau Front Populaire...

P.N.B : D'autant qu'avec le NFP, il y a un élément en plus par rapport à 2022, c'est le contexte immédiat de la progression de l'extrême-droite. Raisonnablement, on ne pouvait pas imaginer le Parti Socialiste refuser de prendre parti à ce mouvement général. Parce que l'objectif, avant de former un gouvernement, c'est de limiter la progression du RN et maximiser le nombre de députés à gauche.

 

X.G. - RVA : Sur quoi porte votre thèse ?

P.N.B : Ma thèse porte sur l'évolution idéologique du Parti Socialiste de 1971 à 2017. Je l'analyse à partir de ce que j'appelle "la question immigré". C'est-à-dire la façon dont le PS a réagi à la politisation, à la foi de l'immigration et de ce qui relève de la diversité culturelle de la société. Notamment les questions religieuses ou liées à l'expression des particularismes culturelle. Cela m'a pris 5 ans pour recouper 50 ans de vie politique.