Xavier G. - RVA : Bonjour Karim Leklou. Tout d'abord, qu'est-ce qui vous a séduit au début de ce projet, quand vous avez reçu le scénario ?
Karim Leklou : J'ai trouvé l'écriture du "Roman de Jim" des frères Larrieu, l'adaptation très réussie et surtout très élégante. J'ai rarement eu un scénario comme ça où dès la lecture, il y avait une forme d'émotion assez forte, et j'ai trouvé ça très bien écrit. Je trouvais que les liens aussi entre les gens, la question de la paternité, du lien entre les gens, comment on est marqué toute une vie. C'est un film romanesque, c'est un film sur plus de 25 ans où on suit le destin d'un personnage et de toutes les "relations d'amour" qu'il a. Que ce soit l'amour entre les êtres, mais aussi l'amour avec son fils et comment la question de la paternité s'installe quand on n'est pas le père biologique.
En tout cas, il y a quelque chose de vraiment très émouvant, un joli mélo qui n'est pas un tire-larme, mais justement très pudique et très émouvant.
RVA : Ce triangle amoureux il s'inscrit dans la vision de l'amoureux de notre société actuelle ?
Karim Leklou : Moi réellement, ce qui m'a porté, c'est quand on est un beau-père ou une belle-mère, on n'a pas de droit sur un enfant en cas de séparation. Alors qu'est-ce qui se passe ? Comment le lien existe ou pas avec un enfant ? Ça interroge, de façon moderne, une situation qu'on peut tous vivre dans un couple recomposé. Moi, je crois que c'était surtout ça qui me touchait. Après, j'aimais bien effectivement que des personnages s'interrogent tout le temps. Et effectivement, le retour du père biologique après dix ans, qui va casser l'équilibre familial de mon personnage. Comment ces relations vont évoluer notamment avec cet enfant.
RVA : Vous avez voulu jouer ce père modèle, mais juridiquement illégitime sur cet enfant.
Karim Leklou : C'est un personnage qui rencontre quelqu'un, Florence, personnage joué par Laetitia Dosch. Mais il n'avait pas prévu d'être père. Il la rencontre puis il assiste à l'accouchement. Le père biologique, il se retrouve à faire connaissance avec son propre enfant. Et au fil des années, il y a un lien très fort qui se crée et il ressent cet enfant comme son fils légitime. Interroger aussi les liens du cœur et les liens au-delà des liens du sang. Je trouvais ça très beau.
RVA : A la fin du film, on ressent quand même une forme d'injustice côté spectateur ? Ça a été le retour des spectateurs des avant-premières ?
Karim Leklou : En tout cas, on a rencontré un public qui est touché par l'histoire. C'est un film universel, accessible, c'est un film différent des frères Larrieu. C'est un film qui laisse place à l'interprétation selon les spectateurs.
RVA : L'écriture des frères Larrieu est assez brute. Il y a de l'argot, de la familiarité ordinaire et du vocabulaire de tous les jours.
Karim Leklou : C'est un film très bien écrit, Arnaud et Jean-Marie Larrieu arrivent à recréer un sentiment comme si c'était de l'impro alors que non. C'est une écriture entre les mots, qui permet d'incarner, de ressentir. C'est une écriture que je trouve pudique, dans le quotidien, dans le concret et c'est ça qui est beau. Il y a cette impression de quotidienneté des personnages. Le personnage d'Aymeric, je pense qu'il parle aux gens parce que c'est quelqu'un qui fait face aux difficultés de la vie sans non plus céder à une extrême violence ou à du sensationnel.
RVA : Quelle a été la relation sur le tournage avec le jeune Éol, qui incarne Jim à l'âge de 7-8 ans ?
Karim Leklou : Tout le monde le considérait comme un enfant. Il n'y avait pas de résultats à obtenir absolument de lui. Il a un regard hyper fort qui là aussi se passe de mots. Après le tournage, il m'a laissé un message assez marrant : il m'a souhaité une bonne fête des papas à distance de cinéma, pour la fête des Pères.
RVA : De votre côté, vous incarnez un rôle beaucoup plus physique. Après La Troisième Guerre, Vincent doit mourir et Bac Nord, incarner physiquement vos personnages, c'est quelque chose qui vous intéresse dans vos choix de rôles ?
Karim Leklou : Bien sûr, de toute façon le corps, c'est la première chose sur moi qui parle. Ça évite des faux portraits psychologisants donc l'aspect corporel, il est toujours important. Dans le film des frères Larrieu, c'est comme dans la vie, il y a tous les types de corps. Et il y a des acteurs très différents qui donnent de la richesse. Laetitia Dosch, qui propose un personnage complexe, nuancé. Sarah Giraudeau qui est solaire. Bertrand Belin qui est très singulier dans le film et qui moi me fait marrer malgré son rôle assez dur.
RVA : Votre prochaine avant-première aura lieu au Ciné Capitole à Clermont-Ferrand le mardi 6 août. C'est une ville que vous connaissez ?
Karim Leklou : Je suis ravi d'aller à Clermont-Ferrand. Je ne suis jamais venu malgré le fabuleux festival du court-métrage. Je n'ai jamais eu la chance d'avoir un cours sélectionné là-bas. Donc, je suis ravi de découvrir Clermont-Ferrand. Après, je regarde un peu le sport, donc je sais qu'il y a une bonne équipe de rugby quand même à Clermont.
RVA : Quels sont vos prochains projets ? Un biopic autour du général de Gaulle réalisé par Antonin Baudry ?
Karim Leklou : Le tournage vient de se terminer. Je participe à ce film qui va être en deux parties, sur la période 39-45. Un film ambitieux à la fois de mise en scène, de générosité. Et en même temps que je trouve intéressant sur la politique de l'époque, qui a une résonance très forte aujourd'hui. Moi, je fais un petit rôle dedans, mais je suis très heureux d'y avoir participé. Et ça sera pour le cinéma.